Etienne TICHIT

« Un congrès inspirant et pragmatique pour embarquer largement dans la performance environnementale »

Polepharma convie ses adhérents, les 20 et 21 mars prochains, à Louviers, pour le premier Congrès Polepharma Performance Environnementale, organisé avec le soutien de la Région Normandie. Un nouveau rendez-vous qui devrait faire office de force motrice dans l’accélération de la transformation environnementale des sites industriels, accompagnés par le cluster. Directeur général de Novo Nordisk France, Etienne Tichit est également vice-président des affaires publiques et de l’expertise Performance Environnementale de Polepharma, avec de grandes ambitions pour cette édition pilote. 

La performance environnementale, est-ce un nouveau cheval de bataille pour Polepharma ? 

Compte-tenu des enjeux importants de transition industrielle et écologique sur les sites pharmaceutiques, nous avons listé la performance environnementale comme un axe prioritaire de notre feuille de route et stratégique pour le développement. Cela recouvre des problématiques larges liées à la décarbonation de l’industrie, mais pas seulement ! Notre ambition est d’englober également les questions de la sobriété industrielle (énergie, eau), ainsi que l’éco-conception et la biodiversité, avec l’objectif d’embarquer toute la filière sur les scopes 1 et 2 de réduction des émissions (directes et indirectes) de GES, mais aussi le scope 3 dont les sujets ne dépendent pas directement de nos entreprises. Au niveau de l’industrie pharmaceutique, 70% de notre impact environnemental (y compris empreinte carbone) est lié à l’activité avec ses fournisseurs amont et aval. Cette approche de la performance environnementale est en cohérence avec l’ADN de Polepharma, qui cherche à traiter les sujets de la filière de manière exhaustive et verticale auprès de son réseau de 450 adhérents. 

Vous portez également la feuille de route en matière de décarbonation des industries de santé, qui vous a été confiée par la FEFIS, dans le cadre du CFS-ITS. Où en sommes-nous dans ces travaux ? 

Nous avons rendu notre feuille de route consacrée à la filière pharmaceutique en novembre dernier aux ministres concernés et avons enchaîné en janvier dernier, sur le second volet, qui s’étend à l’ensemble de la filière des produits et technologies de santé, y compris le numérique en santé. Sur ces volets 1 et 2, l’objectif est d’identifier le potentiel des trajectoires de décarbonation des différentes industries et de voir quelles technologies sont nécessaires de mettre en face pour l’accélérer. En complément, l’idée est de lister les mesures que l’Etat pourrait mettre en place pour faciliter l’arrivée de ces innovations : appel à manifestation d’intérêt, crédits CSIS, valorisation de ces initiatives « vertes » dans le prix du médicament et dans les appels d’offres hospitaliers, … Et à cela, s’ajoute un autre sujet à prendre en compte : l’évolution nécessaire de la réglementation. Comme par exemple, la mise en place de chaînes de récupération et de recyclage pour l’utilisation de solvants en chimie fine. Au total, nous avons listé une quinzaine de propositions pour accélérer la transition bas carbone de la filière pharmaceutique, qui sont actuellement auditées par la puissance publique. Il s’agit de recommandations techniques à mettre en place par la filière, mais aussi d’actions de soutien à mener par l’État et les territoires. Neuf d’entre elles sont déjà en train de progresser sur le terrain pour trouver un écho dans notre façon de travailler et accompagner les sites pharmaceutiques.  

Dans ce contexte en profonde évolution, quel est l’intérêt de ce nouveau rendez-vous sur la performance environnementale ? 

Ce congrès, qui est une première, va permettre la mise en relation de l’expérience et de l’expertise avec l’ensemble de nos entreprises et sites industriels, qui ont des niveaux de maturité différents sur les sujets de la performance environnementale. L’ambition est d’embarquer largement, et notamment les TPE et PME, qui ne savent pas par où commencer dans leurs démarches de mise en conformité au niveau environnemental. Ces étapes sont souvent considérées par ces entreprises comme coûteuses et compliquées à entreprendre. Nous souhaitons les aider et, plus largement, embarquer tous les types d’entreprises sur des gains rapides grâce à des technologies bien maîtrisées, en associant la puissance publique au niveau régional pour soutenir les initiatives et mutualiser les investissements à réaliser dans de nouvelles sources d’électricité verte par exemple. Le congrès a donc une double vocation : être inspirant pour les « débutants » qui n’ont pas démarré, mais aussi pragmatique pour les « engagés » voire les « experts » qui veulent persévérer dans le bon sens, en facilitant la rencontre avec des partenaires pertinents. Exemples : des énergéticiens comme EDF, des spécialistes de l’immobilier vert tels que Eiffage qui construit des usines en béton recyclé et d’autres acteurs du monde associatif comme Biodiversio, qui nous aide à préserver la faune et la biodiversité autour de nos sites. Ce sont de nouveaux savoir-faire à appréhender pour notre filière !

Comment avez-vous travaillé pour préparer ce congrès et assurer qu’il réponde aux besoins ?

J’ai pris en charge la vice-présidence de l’expertise Performance Environnementale de Polepharma il y a un an et nous avons alors lancé des commissions de travail qui associent nos adhérents et des experts extérieurs (bâtiment, énergie, investisseurs dévolus aux énergies « propres »…) sur les six axes clés de la transition industrielle et écologique qui structurent le programme du congrès : feuille de route globale, décarbonation, énergie, gestion de l’eau, de la biodiversité, récupération et traitement des déchets ou encore éco-conception. La mise en commun de ces compétences transverses va permettre de faire émerger des projets collaboratifs entre nous. Notre congrès sera ainsi très opérationnel, orienté sur le retour d’expérience, la mise en relation et l’opportunité de faire bouger les lignes. L’objectif est d’amener des solutions clés en main, d’encourager les sociétés à démarrer dans leur stratégie de performance environnementale, et de créer une plateforme d’échange pour capitaliser sur notre expertise à l’avenir. Ce qui se passe dans nos commissions doit être partagé au-delà, avec l’ensemble de nos adhérents. 

Pourquoi associer l’enjeu de la performance à l’environnement ?

Sur ces sujets traitant de décarbonation et au-delà, il y a une véritable opportunité pour l’industrie pharmaceutique en France de réindustrialiser et reconquérir une autonomie sanitaire. D’un point de vue environnemental, nous avons de nombreux atouts en mains pour réussir. Nous sommes un secteur très énergivore avec la possibilité de développer un mix énergétique vert imbattable dans le monde et très performant au niveau de l’Hexagone, en associant les énergies du nucléaire, photovoltaïque, éolienne et un peu de biomasse. L’objectif étant de bâtir des champions industriels localisés en France, mais dont l’activité dessert bien plus que l’Hexagone ! L’usine française doit être compétitive et performante par rapport aux standards internationaux pour gagner de nouveaux marchés et garantir sa pérennité à l’avenir. Le débat porte autant sur la compétitivité que l’attractivité de notre territoire pour accueillir de nouvelles productions, de la part de groupes qui font le choix d’être plus engagés et vertueux. C’est pourquoi nous parlons de « performance » environnementale. En parallèle, les marchés sont en train de se structurer autour de l’évaluation environnementale des médicaments. C’est le cas au Royaume-Uni ou encore dans les pays nordiques, très en avance sur ces sujets, et qui attribuent déjà un tiers de la note d’un médicament à la performance environnementale. Ces débats ont également lieu en France portant sur l’achat public hospitalier et bien plus encore…  Évidemment, cette performance doit être regardée à l’aune d’investissements industriels, qui ne sont pas seulement franco-français, pour que nos sites exportent en Europe, si ce n’est partout dans le monde, et partent à la conquête de nouveaux marchés pour réindustrialiser notre territoire. 

Quels sont les principaux défis en matière de performance environnementale pour les sites pharmaceutiques ? 

Le congrès embrasse un ensemble de thématiques liées à la transition industrielle, énergétique et écologique de nos sites, et qui représentent autant de défis à relever selon le niveau de maturité de l’entreprise : la décarbonation, la sobriété au niveau des consommations d’eau et d’énergie, le mix énergétique, la question du financement et de la transition, l’éco-conception et la valorisation des déchets… Notre volonté est de répondre à l’ensemble des besoins des sociétés qui seront présentes. Il y a des sujets sur lesquels nous sommes plus avancés et matures, tels que rééquilibrer le mix énergétique dans le cadre de la décarbonation ; des domaines où l’on a fait preuve de belles avancées en matière de décarbonation ces dernières années tels que la mobilité de nos collaborateurs, le bâtiment et les utilités ; et d’autres qui nécessiteront de travailler collectivement à l’adaptation de la réglementation pour développer des solutions ensemble. Par exemple, traiter et recycler l’eau dans nos procédés industriels, l’éco-conception de nos emballages ou encore le développement des notices numériques… Certaines questions devront être portées au niveau européen pour trouver des réponses appropriées. 

Quels seront les moments forts du congrès, selon vous ? 

Plusieurs industriels de Polepharma vont se mettre en commun pour présenter leur expérience et des projets collaboratifs intéressants pour faire avancer la filière. Par exemple, GSK Évreux et Aptar Pharma ont innové ensemble sur les sprays pour traiter l’asthme, en associant un travail réalisé sur les gaz propulseurs « verts » et l’éco-conception sur les plastiques. La tendance est d’innover avec nos sous-traitants partenaires dans un cycle d’innovation sur la performance environnementale qui va prendre en compte un produit jusqu’à sa fin de vie. Progresser plus avant nécessite d’agir à plusieurs, entre clients et fournisseurs ou en réseau de coopétition, nous en sommes bien conscients. Sur le congrès, Novo Nordisk présentera son programme Returpen de collecte et valorisation de ses stylos à insuline. D’autres entreprises remarquables telles qu’UPSA, Mayoly, Sanofi, Ipsen ou encore Septodont, viendront également partager leurs expériences. Nous associerons aussi, dans la discussion, des think tanks tels qu’Adebiotech sur l’éco-conception, ou des partenaires du financement comme l’ADEME et ABF Décisions. Sans oublier la session prospective autour de la biodiversité avec, entre autres, l’Agence Normande de la Biodiversité et du Développement Durable.  

Pourquoi la voix de Novo Nordisk porte-t-elle sur ces sujets environnementaux ? 

Nous avons aujourd’hui un savoir-faire reconnu et valorisé en termes de performance environnementale, qui nous a valu notamment de décrocher le prix Choose France en 2020. Notre laboratoire danois ouvre la voie sur ces sujets, qui fondent son business model. Réduire l’empreinte environnementale, alors que l’on nous demande sans cesse d’augmenter la production de nos sites, est un réel challenge au quotidien. Nos plus récents investissements à Chartres prévoient que nos nouveaux bâtiments soient fabriqués à 96% à partir de béton recyclé. Cela fait également partie de nos (et de mes) valeurs : une entreprise comme Novo Nordisk (et notre industrie dans son ensemble) doit être promoteur de « plus de santé ». Un autre axe de travail vise la perte de notre tissu industriel en France et en Europe avec l’enjeu de valoriser une industrie plus compétitive et décarbonée. La France a sa carte à jouer et c’est ce que j’essaie de défendre au travers de mes différents mandats. C’est aussi le bon moment, alors que s’alignent les politiques publiques et industrielles, pour accompagner la transition vers des produits plus verts. Ce n’est pas seulement la stratégie de Polepharma à l’horizon 2027, mais des sujets de mobilisation pour les 20 prochaines années ! 

Quelle est votre ambition pour cette première édition et la filière ? 

C’est une première édition du Congrès Polepharma sur la Performance Environnementale et – nous l’espérons – un nouveau rendez-vous annuel pour nos adhérents. Il devrait en effet s’inscrire dans une longue série avec l’objectif de développer une expertise partagée sur les sujets environnementaux de la filière. À partir de ce pilote, nous pourrons ainsi mesurer les efforts et faire évoluer la feuille de route en fonction de l’expertise de nos commissions et des besoins de nos adhérents. Au-delà de l’événementiel, ce sera aussi l’occasion pour Polepharma de développer une offre spécifique d’accompagnement à partir de l’expertise acquise. Et pourquoi pas, à l’avenir, décliner nos programmes de Gemba Walks ou SPARK d’intelligence collective sur l’axe de la performance environnementale pour mieux accompagner les entreprises. L’enquête de la FEFIS sur la décarbonation de notre industrie a révélé que nous avions un enjeu d’embarquement auprès de 20% des entreprises, qui n’avaient pas encore réalisé de bilan carbone de leurs activités. Pour répondre à l’enjeu d’efficience, il y a parfois des solutions très simples à mettre en œuvre sur nos sites afin de gagner quelques pourcentages dans la consommation d’énergie ou d’eau. Rester pragmatique, garder les pieds sur terre et faire preuve de bon sens pour travailler en proximité est vraiment important, selon moi. Les entreprises doivent aussi se tenir prêtes à déposer des dossiers auprès des services de l’État pour être soutenues dans leur démarche environnementale et ainsi décrocher de nouveaux appels d’offres. L’enjeu de ce congrès est véritablement de créer un environnement stimulant pour enclencher une vague d’innovation dans la performance environnementale !

Propos recueillis par Marion Baschet Vernet

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