Thibault Desmarest, Président de GSK France, présidera la 2nde édition du Congrès Polepharma de la Performance Environnementale (CPPE), les 21 et 22 mai 2025 à Rouen, avec le soutien de la Région Normandie. Plus de 150 acteurs et décideurs de la filière se réuniront pour discuter des enjeux de la production pharmaceutique durable, en abordant des thématiques telles que la décarbonation, la sobriété industrielle (énergie, eau) et la biodiversité, à travers des décryptages réglementaires et des retours d’expériences.
Pourquoi avoir accepté de présider ce congrès en 2025 ?
Le congrès Polepharma, axé sur la performance environnementale, reflète l’engagement que j’ai pris en rejoignant GSK France il y a trois ans pour la transition écologique et industrielle. Je suis convaincu que la santé humaine et celle de la planète sont indissociables, ce qui motive un engagement à la fois personnel et collectif. Face aux manifestations du dérèglement climatique, comme la multiplication des inondations ou des mégafeux à travers le monde, il est nécessaire de se mobiliser collectivement car nous sommes tous concernés. Avec trois sites industriels à Évreux, Mayenne et Saint-Amand-les-Eaux en France, nous avons un impact certain, comme de nombreux acteurs du secteur pharmaceutique qui travaillent à le réduire tout en améliorant leur performance environnementale. Cet enjeu stratégique motive notre participation et ma présidence du congrès : notre secteur a un rôle crucial à jouer.
En quoi la performance environnementale est-elle un sujet stratégique pour les laboratoires pharmaceutiques ?
Selon le Shift Project, le secteur de la santé émet 55 millions de tonnes de CO₂, soit 8 % des émissions totales à l’échelle de la France, dont la moitié proviendrait des médicaments et des dispositifs médicaux. Prendre conscience de cela conduit à mesurer notre responsabilité et notre rôle essentiel dans la transition.
Nous avons l’opportunité d’amener des innovations thérapeutiques majeures en France et cela nécessite un environnement attractif et compétitif, notamment en matière de performance environnementale. Contrairement à des pays comme l’Inde ou les États-Unis, où les contraintes environnementales sont moindres, les normes en France et en Europe font partie des plus exigeantes, nous incitant à allier production et responsabilité environnementale. Le coût impliqué par une « fabrication verte » des médicaments doit néanmoins être pris en compte dans le prix.
De plus, les autorités de santé, comme l’EMA, intègrent de plus en plus la dimension environnementale dans l’homologation des médicaments, influençant ainsi le choix des traitements par la prochaine génération. Les laboratoires travaillent sur des initiatives comme l’éco-conception des emballages et la valorisation des déchets. Ces efforts représentent un levier stratégique essentiel pour rester compétitifs.
Je suis convaincu que partager les bonnes pratiques, comme le fait Polepharma, et soutenir les plus petites structures, aidera l’ensemble de l’écosystème à réussir cette transition écologique. Cela deviendra un atout majeur pour la France sur la scène internationale.
Où en est la filière française dans sa transition environnementale, selon vous ?
Il est clair que la transition environnementale est un sujet central pour notre secteur. La filière française a accompli des progrès significatifs, mais il reste du chemin à faire. Si de plus en plus d’entreprises ont défini une trajectoire de réduction des gaz à effet de serre sur les 3 scopes, alignée avec l’accord de Paris sur le climat, et investissent dans des projets de décarbonation d’envergure, certaines, notamment des TPE-PME, n’ont pas encore enclenché leur décarbonation d’après l’enquête de la FEFIS pour la filière. Le rôle de Polepharma est donc crucial pour mobiliser, expliquer et partager des solutions simples et rapides à mettre en œuvre, sans nécessiter des investissements colossaux. En France, le mix énergétique décarboné et performant grâce au nucléaire représente un atout majeur, il faut mieux le communiquer aux maisons mères pour attirer des investissements. L’Europe, avec le Green Deal et des réglementations comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive, une réglementation européenne qui renforce les exigences en matière de transparence et de publication d’informations environnementales, sociales et de gouvernance par les entreprises) dispose d’avantages ; ces initiatives doivent aussi s’accompagner d’une réflexion sur la compétitivité internationale.
Quels sont les enjeux à relever au sein de la filière ?
Un des enjeux principaux est la poursuite de la réduction des émissions de CO₂, notamment sur le scope 3 qui représente la majorité des émissions. Ce scope est complexe à maîtriser, car il ne dépend pas directement de nos entreprises, mais le congrès peut jouer un rôle clé en mobilisant et en sensibilisant l’ensemble des fournisseurs en amont et en aval de la production.
Le second enjeu est la préservation des ressources naturelles, notamment l’eau, dont la chimie et la pharmacie sont de grands consommateurs. Cette thématique sera abordée lors du Congrès à travers par exemple la filière REP (Responsabilité Élargie des Producteurs) sur l’eau, qui a été adoptée fin 2024 au niveau européen pour financer le traitement des eaux usées.
Enfin, le troisième enjeu est la préservation de la biodiversité, un sujet à la fois local sur les sites qui doivent recréer de la biodiversité, et global quand il s’agit de prendre en compte notre dépendance aux services écosystémiques fournis par la nature.
Ces défis nécessitent des investissements importants. Il est tentant, à court terme, de ne rien faire plutôt que d’engager les coûts nécessaires à cette transition. En France, la complexité réglementaire alourdit encore la charge pour les entreprises, malgré les aides proposées. Les grands groupes peuvent allouer des budgets supplémentaires pour avancer, mais les petites structures peinent à suivre.
Il faut allier ambition environnementale et compétitivité. Bien que la volonté politique soit forte, l’administration reste freinée par des processus lourds, à la différence des modèles simplifiés comme le « one-stop shop » américain. Une simplification pragmatique de la réglementation, qui ne remette pas en cause l’ambition des textes et la dynamique d’action enclenchée, permettrait d’avancer efficacement et d’embarquer l’ensemble de la chaine de valeur.
Dans ce contexte, comment avez-vous préparé l’événement avec le comité de programmation ?
Nous sommes au début de la préparation de l’événement, avec deux premières réunions du comité de programmation que je préside, réunissant une quinzaine d’acteurs engagés dans la performance environnementale, comme Loïc Allanos (Septodont), Ghislaine Aumeras (Stéarinerie Dubois), Thierry Brasset (Métropole Rouen Normandie), Cécilia de Foucaucourt (GSK France), Hervé Gaboriau (Pôle Aquanova), Denis Le Hazif (Mayoly), Aurélie Gourdy (Novo Nordisk), Thomas Mérélo (Equans), Julia Obrebski (Agglo Seine-Eure), Benjamin Ozanne (Aptar Pharma), Pauline Sauvan (UPSA), Jean-Emmanuel Gilbert (Aquassay) et Allissia Zambitto (Manergy).
Les grandes thématiques développées lors de cette édition 2025 seront la décarbonation, la gestion de l’eau et de la biodiversité, et aussi la règlementation, notamment la CSRD. Nous avons un rôle clé d’éducation à jouer auprès de la filière.
Le programme vise à répondre aux enjeux actuels à travers des conférences, des tables rondes, des ateliers très opérationnels orientés sur le retour d’expérience, des stands pour permettre des opportunités de partage et de rencontres.
Quelles sont vos attentes pour ce second rendez-vous ?
Je suis convaincu que partager nos expériences est essentiel pour concrétiser des projets. Notre objectif est de répondre aux besoins de toutes les sociétés présentes, quel que soit leur niveau de maturité. Les sessions plénières permettront de revenir sur les fondamentaux : comprendre l’impact, répondre aux besoins, s’organiser et unir nos forces. Mais la véritable force d’un congrès réside dans son aspect collaboratif, avec des cas concrets, des rencontres pertinentes et la création de connexions pour inspirer et accompagner les projets. Ce sera un point de départ pour initier des initiatives à long terme. Mon but est de catalyser ces dynamiques et de créer un événement moteur pour l’action.
Quel retour d’expérience auriez-vous envie de partager chez GSK ?
Chez GSK, la transition environnementale est une priorité portée au plus haut niveau de l’organisation, avec une forte implication de notre CEO, Emma Walmsley. Nous avons une ambition claire : réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 80 % d’ici 2030 et de 90 % d’ici 2045 (base 2020), et contribuer à la préservation et à la restauration de la nature d’ici 2030. Cela passe par réduire notre consommation globale d’eau de 20 %, atteindre zéro déchet lié à nos activités industrielles, diminuer de 25 % l’impact environnemental de nos emballages et avoir un impact positif sur la biodiversité sur tous nos sites d’ici 2030.
L’un de nos projets phares vise l’un de nos inhalateurs-doseurs de secours, un traitement sur lequel 35 millions de patients dans le monde comptent comme médicament pour soulager l’essoufflement dans l’asthme et la BPCO (la bronchopneumopathie chronique obstructive), responsable de près de 50% de l’empreinte carbone de GSK au niveau mondial. À Évreux, nous allons investir jusqu’à 350 millions d’euros pour développer une formulation bas carbone de cet inhalateur, un projet inédit qui pourrait réduire de 90 % l’empreinte carbone de ce produit si les essais sont concluants.
Ces investissements associent tout un écosystème avec des partenaires comme Aptar Pharma. Si c’est aujourd’hui notre projet clé compte-tenu de son potentiel de réduction de nos émissions mondiales (environ 40%), tous nos sites en France sont activement mobilisés sur ce sujet.
Je crois profondément que la contribution individuelle est aussi essentielle que la dynamique collective pour relever ces défis.
Quel message avez-vous envie de porter sur le congrès ?
Chaque acteur, quelle que soit sa taille, a un rôle à jouer : il faut agir pour à la fois renforcer notre compétitivité et préserver notre planète. Ensemble, nous avons le pouvoir d’impulser une dynamique positive dans la filière.
Quel rôle attribuer à Polepharma dans la transition ?
Ce second congrès organisé par Polepharma sur la performance environnementale est clé pour impulser la transition. Catalyseur de cohésion, Polepharma agit comme un liant au sein de la filière, connectant ses 450 membres, partageant le savoir-faire et accompagnant les entreprises. L’objectif est d’ouvrir des perspectives, de mettre en lumière des initiatives audacieuses et inspirantes et de poursuivre la coopération pour construire des solutions durables.
Propos recueillis par Marion Baschet Vernet